L’inopposabilité à un associé d’une clause d’un contrat qu’il a signé en sa seule qualité de gérant

  La seule signature d’un dirigeant social ne suffit pas à en faire une partie au contrat, encore faut-il qu’il soit identifié comme tel. 

La distinction entre l’associé et le dirigeant d’une société peut paraître théorique lorsque cette personne est un unique individu.
 
Pourtant, loin de n’être que juridique, cette distinction peut devenir problématique lorsque le représentant de la personne morale intervient à un contrat en plusieurs qualités.
 
Par un arrêt du 20 novembre 2019, la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation saisit l’opportunité de rappeler cette distinction.
 
Dans le litige en présence, la société GALAAD avait fait un prêt à la société EXCALIBUR.
 
En contrepartie de ce prêt et à défaut de remboursement, la société GALAAD pouvait exiger la cession des parts sociales de la société EXCALIBUR détenues par Madame V…, associée et gérante de cette dernière.
 
Juridiquement, une société ne détient ni ne dispose des parts composant son propre capital social. La société EXCALIBUR ne pouvait donc pas s’engager à les céder à la société GALAAD.
 
Pour être efficace, le contrat de prêt entre la société GALAAD et la société EXCALIBUR aurait donc dû être complété d’une promesse de cession des parts sociales à laquelle l’associée qui les détenait aurait dû être partie.
 
Or si celle-ci a bien apposé sa signature sous le contrat, ce n’est pas en qualité d’associée mais en sa seule qualité de gérante de la société EXCALIBUR.
 
Le contrat ne faisait ainsi pas mention de Madame V personnellement, en qualité de partie.
 
La Cour de Cassation fait alors une application stricte de l’effet relatif des contrats, confirmant qu’ils n’ont d’effet qu’entre les parties qui les ont conclus.
 
Elle censure donc la Cour d’appel pour avoir considéré que la clause de cession des parts sociales de la société EXCALIBUR était opposable à Madame V…, alors que celle-ci « n’y avait pas consenti en son nom personnel ».
 
Le contrat de prêt conclu entre les sociétés GALAAD et EXCALIBUR contenait donc une clause inapplicable entre les parties et inopposable aux tiers, dont la gérante et associée de la société EXCALIBUR.
 
La seule signature d’une personne physique apposée à un contrat n’est donc pas nécessairement source d’engagements de sa part, encore faut-il qu’elle soit partie personnellement à l’acte et qu’elle y ait consenti.  
 
Loin de n’être que théorique, il s’agit là d’une position constante de la Cour de Cassation (Cass. 3ème Civ., 12 septembre 2006, n°03-19277), qui s‘avère redoutable lorsqu’elle conduit à priver d’efficacité une clause de non-concurrence (Cass. Com. 11 juillet 2006, 04-20552).
 
La Cour de Cassation ne pousse cependant pas davantage le formalisme, et a ainsi récemment jugé que « la double qualité en laquelle intervient le signataire d’un acte juridique, d’une part à titre personnel et, d’autre part, en qualité de représentant d’un tiers, n’impose pas la nécessité d’une double signature comme condition de validité de cet acte » (Cass. Com. 9 mai 2018 n°16-28157).
 

  Dirigeants et Associés, il n’est donc pas nécessaire de signer deux fois pourvu que vos deux qualités soient expressément mentionnées au contrat !

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